L a jurisprudence vient d’arbitrairement requalifier un directeur de la publication indiqué dans les mentions légales d’un site web. Il s’agit de celui de l’association politique Egalité & Réconciliation d’Alain Soral indiquant un directeur de la publication incarcéré, l’essayiste a été condamné à une peine d’amende de 5 000€ ainsi que de 3 mois de prison avec sursis pour fausses mentions légales, c’est une première…
Une requalification opérée suite à une enquête
Cette décision a été consacrée par le rejet du pourvoi en cassation contestant cette requalification fondée à la suite d’une enquête. Le pourvoi portait sur le jugement du TGI de Paris du 14 mars 2017, ayant condamné le président de l’association Egalité & Réconciliation, Alain Soral, à 3 mois de prison avec sursis et 5 000 € d’amende pour violation de la loi LCEN portant sur les mentions légales et précisément l’obligation de s’identifier. Accessoirement le site avait déjà été l’objet d’un référé pour le contraindre à mettre en place un dispositif facilement accessible et visible de signalement des contenus illicites, obligation également présente dans la loi LCEN.
Notons néanmoins qu’au cours de ce référé l tribunal avait tout d’abord rejeté les demandes des associations parties civiles, visant Alain Soral comme le véritable directeur de la publication. Le juge avait considéré que seule une enquête pénale serait en mesure d’établir ces faits et de relever un éventuel manquement aux obligations de l’article 6-III de la LCEN. Une enquête fut donc diligentée :
-premièrement elle mettait en relief le fait que les deux personnes nommées directeurs de la publication étaient incarcérées sans accès à internet et sans visites.
-deuxièmement les investigations techniques ont permis de démontrer que adresses IP, comptes de messagerie, adresses physiques numéros de téléphone, etc… convergeaient vers le président de l’association éditeur du site egaliteetreconciliation.fr. Le tribunal a donc requalifié ce dernier comme étant bien le véritable éditeur et directeur de la publication du site.
Quant à la sévérité de cette peine, la juridiction l’explique par le fait que le prévenu avait déjà été condamné définitivement à six reprises pour des infractions de presse et qu’il ne s’était pas présenté au tribunal, montrant sa volonté de se soustraire à ses responsabilités en désignant sur son site en lieu et place de son nom celui d’un détenu incarcéré pour une lourde peine. Le juge veut donc faire de cette décision un exemple pour entraver toute récidive aux délits de presse, généralement épargné de toute sévérité en la matière.
Le statut de directeur de publication redéfini par la cour de cassation
Dans son arrêt du 22 janvier 2019[1] https://juricaf.org/arret/FRANCE-COURDECASSATION-20190122-1881779, la Cour de cassation décide arbitrairement que le directeur de publication d’un site internet est son représentant légal. Dans le cas d’une association c’est donc son président.
La cour de cassation ne se prononce absolument pas sur le cas de la délégation de pouvoir permettant pour un représentant légal d’une personne morale de transmettre sous certaines conditions sa responsabilité pénale permettant ainsi de s’exonérer.
Cette décision semble irréaliste, ainsi en interprétant cette définition, n’importe quel PDG d’une firme transnationale sera de droit le responsable pénal directeur de la publication de n’importe lequel des sites web de sa société. Elle devra donc rapidement revoir sa position pour la mettre en confrontation avec la réalité des affaires, à moins que cette décision n’eut-été que purement opportuniste afin de sanctionner le polémiste Alain Soral.
Violation du droit positif ?
Il est important de noter que rien dans le droit positif ne défini le directeur de la publication comme étant le responsable légal d’une personne morale, dans les faits celui-ci est bien loin de connaitre l’exhaustivité du contenu de l’ensemble des sites internet liés à celle-ci.
Autre chose, quid de la liberté de choisir librement son directeur de la publication ? Il s’agit d’une atteinte aux libertés, la cour de cassation s’est bornée à requalifier le nom du directeur de la publication de l’association égalité & réconciliation sans toutefois avoir recherché la volonté des parties : les détenus étaient-ils volontaires pour être directeurs de la publication ?
Si tel était le cas et que les parties étaient d’accord rien ne justifie de faire obstacle à leur volonté.
E&R ne s’est toujours pas mis en conformité à l’heure de la rédaction de cet article laissant penser à de plus lourdes conséquences judiciaires…
Reférences
↑1 | https://juricaf.org/arret/FRANCE-COURDECASSATION-20190122-1881779 |
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