L e mariage est l’institution par laquelle un homme et une femme s’unisse pour vivre ensemble et fonder une famille
L’ancien article 143 du code civil a depuis pourtant bien évolué, notamment par la loi 2013-404 du 17 mai 2013 dite « loi Taubira » instaurant le mariage pour les couples de même sexe. Néanmoins même cette nouvelle définition pourrait à nouveau évoluer. Non pas forcément à cause des nouvelles problématiques de genres pour sur sa restriction à la monogamie. En effet, le nouvel article 143 dispose « le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe ». Mais cette citation du Code civil français maintien la conception traditionnelle du mariage en France reposant sur la monogamie. Pourtant des formes d’unions libres existent de fait et se développent : du polyamour à la polygamie en passant par le libertinage. Les milieux progressistes prônant la liberté sexuelle semblent alors même s’accorder avec les milieux religieux plus conservateurs tels que les musulmans ou les mormons sur la nécessité de dépasser le verrou légal monogame du mariage.
Si la loi française interdit clairement la polygamie, des formes de reconnaissance en pratique sont observables, notamment dans le contexte des aides sociales et dans la reconnaissance des mariages polygames étrangers. Ce paradoxe de coexistence d’une interdiction formelle et d’une reconnaissance pragmatique soulève des questions essentielles sur la cohérence de la législation française et son adaptation aux réalités sociales.
En outre, en tenant compte des évolutions des normes familiales, portant une réflexion juridique sur l’avenir de la conception du mariage en France à l’aune du développement de la polygamie…
I. Le Cadre Juridique de la Polygamie en France
Les fondements historiques (A) de l’interdiction de la polygamie en France ont façonné les textes législatifs et réglementaires actuels nous permettant de comprendre les conséquences juridiques de cette interdiction (B).
A. Historique et Fondements de l’Interdiction de la Polygamie en France
La polygamie, pratiquée dans diverses cultures à travers le monde, est formellement interdite en France. Cette interdiction s’inscrit dans une longue tradition juridique qui valorise la monogamie comme pilier de l’organisation familiale et sociale. Historiquement, le droit français, influencé par les principes du droit romain et les doctrines chrétiennes, a donc toujours privilégié le modèle du mariage monogamique en s’appropriant la définition du droit canonique. L’interdiction de la polygamie en France est clairement établie dans plusieurs textes législatifs et réglementaires. Le Code civil, notamment dans ses articles relatifs au mariage, établit le principe de l’union exclusive entre deux personnes. L’article 147 dispose qu’un mariage ne peut être contracté avant la dissolution du précédent, et l’article 212 impose une obligation de fidélité entre les époux que la jurisprudence a tempérée notamment en cas de « dispensation mutuelle du devoir de fidélité » [1] . Une reconnaissance des couples libertins de fait, sans pour autant leur donner de statut ni aborder le cas précis de la polygamie ou du polyamour. De plus, la loi Pasqua de 1993 a renforcé l’interdiction de la polygamie en limitant la possibilité pour les ressortissants étrangers de mener une vie familiale polygame sur le territoire français au nom de l’intégration des familles en France et du droit des femmes. Cette loi obligeait pourtant les épouses à choisir entre la « décohabitation » et l’irrégularité détruisant ainsi de fait des familles et portant atteinte directement aux droits des femmes.
Les enjeux de la polygamie en France sont donc multiples…
B. Conséquences Juridiques de la Polygamie en France
Les conséquences juridiques de la pratique de la polygamie en France sont significatives. La polygamie est passible de nullité du mariage, ce qui signifie que les mariages polygames ne sont pas reconnus comme valides aux yeux de la loi française. Cette nullité entraîne l’absence de reconnaissance des effets juridiques habituellement associés au mariage, tels que les avantages fiscaux. Toutefois la jurisprudence a commencé a tempéré l’arsenal législatif contre la polygamie en reconnaissant les secondes épouses et leurs enfants comme héritiers concurremment avec la première épouse d’un étranger reconnu polygame[2]. De même les secondes épouses peuvent également se prévaloir d’une pension alimentaire en France[3].
Sur le plan pénal, la polygamie « de droit » est une infraction pénale passible d’un an d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende selon l’article 433-20 du code pénal. Plus récemment encore, la loi du 24 août 2021 dite « loi contre le séparatisme » introduit, en son article 25, une réserve générale de non-polygamie pour accéder à un titre de séjour et prévoit le retrait du titre pour tout étranger vivant en état de polygamie (CESEDA, art. L. 412-6) renforçant encore les inégalités provoquées par la loi Pasqua dénoncées par le GISTI[4].
Pourtant, bien que le cadre juridique en France établisse clairement l’interdiction de la polygamie, la réalité pratique révèle une situation plus nuancée. Cette dichotomie entre la loi et la pratique nous amène à examiner comment la polygamie est, dans certains cas, tacitement reconnue, malgré son interdiction formelle, en particulier dans les domaines des aides sociales et de la reconnaissance des mariages polygames étrangers.
Malgré l’interdiction formelle de la polygamie par le droit français, la réalité pratique révèle des cas de reconnaissance tacite de cette pratique, cette reconnaissance de fait s’opère dans différents contextes sociaux et légaux…
II. La Reconnaissance de la Polygamie en Pratique
Malgré l’interdiction légale, la polygamie est partiellement reconnue de fait dans le cadre des aides sociales (A) et dans la reconnaissance des mariages polygames étrangers (B), révélant ainsi un contraste entre la loi et la pratique.
A. Reconnaissance par les aides sociales
Malgré son interdiction légale, des situations de polygamie sont parfois reconnues dans le contexte des aides sociales en France. Cette reconnaissance se manifeste dans l’attribution des allocations familiales ou d’autres formes d’aide comme les pensions de réversion. La jurisprudence[5] établit que les épouses d’un assuré social polygame peuvent ainsi se partager la pension de réversion due au conjoint survivant.
De même, Le Parisien titrait : « LEGALEMENT, la Caisse d’allocations familiales (CAF) ne reconnaît pas la polygamie. Par contre, elle la gère au quotidien »[6]. Les aides sociales sont donc accordées aux familles polygames, en se basant sur la réalité sociale et économique des personnes concernées plutôt que sur la stricte application de la loi. Cette approche pragmatique soulève des questions sur la cohérence de l’application de la loi et les défis qu’elle pose en termes de politique sociale. En effet, de manière pratique l’homme vit avec son épouse principale et ses épouses secondaires sont alors traitées en parents isolés attribuant un montant d’aide supérieur à la normale. Dans un projet de loi adressé au Sénat[7], le sénateur Nicolas ABOUT explique la nécessité de trouver un équilibre entre respect de la vie privée et lutte contre la fraude sociale. Faute de statut reconnu à la polygamie en France comment la déceler, la qualifier et faut-il la sanctionner ? Jusqu’à quelle mesure ?
Pire encore, l’état de polygamie étant illicite il peut en devenir une véritable prison pour les épouses dans certains cas où les maris en profitent pour capter leurs allocations en les menaçant de se faire expulser en cas de découverte par l’Etat de leur situation de polygamie.
La France ne ferait-elle pas mieux de reconnaitre la polygamie pour en limiter les abus ? Elle reconnait déjà pourtant les mariages polygames étrangers…
B. La reconnaissance des mariages polygames étrangers
En ce qui concerne les mariages polygames contractés à l’étranger, la France adopte une position nuancée. Selon le principe de la reconnaissance internationale des statuts personnels, la France reconnaît la validité des mariages polygames si ces derniers ont été légalement contractés dans des pays où la polygamie est autorisée. Cette reconnaissance ne signifie pas une acceptation de la polygamie en tant que telle, mais reflète plutôt une volonté de respecter les obligations internationales et les réalités culturelles et juridiques d’autres pays. Cette situation crée un cadre complexe où la polygamie, bien que formellement interdite, est indirectement reconnue à travers les mariages célébrés à l’étranger.
Cette ambivalence soulève des questions essentielles sur la cohérence du système juridique français et ses implications sociales. D’une part, la France maintient une interdiction légale de la polygamie, reflétant ses valeurs et ses normes sociales internes. D’autre part, en reconnaissant les mariages polygames étrangers, elle semble tolérer, voire légitimer, cette pratique sur son territoire pour ensuite en sanctionner les étrangers par une expulsion.
Pourtant il n’arrivera alors rien à un français qui se marie à l’étranger plusieurs fois sans demander en France la reconnaissance de ces mariages. Le droit français ferme alors les yeux sur la polygamie pratiqué par ses ressortissants dès l’instant que ces mariages ont été contractés en dehors du territoire français ne pouvant les sanctionner pénalement…
L’examen de la reconnaissance de la polygamie en pratique, malgré son interdiction légale, révèle donc un paradoxe fascinant dans le système juridique français.
Cette situation soulève des questions sur la cohérence de la loi française et ses implications sociales…
Conclusion
Bien que formellement interdite, la polygamie est parfois tacitement reconnue en fait dans des contextes spécifiques, notamment en matière d’aides sociales et de reconnaissance des mariages polygames étrangers ce qui a permis à la jurisprudence de commencer un travail de reconnaissance qui n’est hélas pas encore entériné par le législateur. Ce paradoxe révèle les tensions entre la loi et la réalité sociale, soulevant des questions sur la cohérence, l’actualité et l’application du droit français.
Un statut de reconnaissance légal de la polygamie en France est donc nécessaire, libre au législateur d’en définir les contours comme il le souhaite. Les comparaisons internationales offrent des perspectives enrichissantes sur la manière dont d’autres sociétés abordent la polygamie, et pourraient inspirer des réflexions sur la manière dont la France pourrait évoluer dans ce domaine comme en Afrique du Sud où cette situation est encadrée depuis déjà le 15 novembre 2000…
[1] TGI Lille, Jaf, 26 novembre 1999, Dalloz 2000. 254- RTDC 2000 p296
& CA Grenoble 3 mai 2000- 2ème chambre civile- Jurisdata 2000-119946
[2] Cass. civ. 1ère, 3 janvier 1980
[3] Cass. civ. 1ère, Chemouni, 19 février 1963
[4] https://www.gisti.org/spip.php?article4044#:~:text=Un%20des%20objectifs%20hautement%20proclamés,et%20du%20droit%20des%20femmes.
[5] Cass, civ. 1ère 22 avril 1986 ,Cass, civ.2ème, 14 février 2007,ch. soc. 4 février 2011
[6] https://www.leparisien.fr/yvelines-78/comment-sont-attribuees-les-allocations-20-11-2004-2005470528.php
[7] https://www.senat.fr/leg/ppl09-501.html